Lors du troisième temps de la conversation, Bruno Marzloff, Raphaël Besson et Emmanuel Dujardin ont abordé certaines évolutions dans les régimes de production de la ville : Comment sont-ils percutés par des initiatives citoyennes ? Comment l'architecte innove-t-il dans la manière de construire des bâtiments ? Comment penser collectivement une mobilité qui ne soit pas réduite à la question du transport ?
1. Un exemple de démarche prospective pour améliorer le quotidien des habitants : Aix 2030
Pour ouvrir cette séquence, Grégory Vigner (Ville d'Aix-en-Provence) a présenté l'étude prospective réalisée par la Ville d'Aix avec l'AUPA, afin de mieux programmer les équipements dans les années à venir (écoles, crèches, espaces verts, aires de jeux...). Dans un contexte de baisse des dotations, le bon usage des fonds publics implique de réfléchir à la durée de vie des équipements existants et à leur adaptation aux évolutions des modes de vie, ainsi que des nouvelles constructions à réaliser. Démarche résolument transversale, la projection de la population en 2030 a été au coeur de la démarche, celle-ci s'intéressant à l'évolution des profils des habitants par quartier.
2. Travailler dans l'inter-disciplinarité
Travaillant sur la mobilité et les transports, Yannis Nadji (doctorants en urbanisme à l'Université d'Aix-Marseille), montre que nos déplacements sont toujours plus "complexes", "désynchronisés", et donc plus difficiles à appréhender. La lecture de ces phénomènes étant plus complexe, les réponses le deviennent également... ce qui peut donner naissance à certaines incohérences urbaines, quand la ville juxtapose des fonctions ne fonctionnant pas bien ensemble (exemples dans l'aménagement d'un boulevard : voie de circulation routière + voie de tram et/ou voie de bus + trottoir + bande cyclable + stationnement / livraisons). Afin de sortir des réponses "problème par problème", il faut aller vers des réponses systémiques, appelant la participation de chercheurs et de citoyens, aux côtés des ingénieurs et des urbanistes.
Dans le cas de Madrid, de multiples hybridations se sont jouées, à la faveur de l'irruption des collectifs. Les laboratoires citoyens ont développé une porosité avec les politiques publiques culturelles (Experimenta Distrito, Imagina Madrid...). Cependant, Raphaël Besson constate que très peu d'apprentissages mutuels ont eu lieu avec les grandes démarches de planification urbaine, démarches toujours "descendantes" et souvent "entre experts" (ou faisant appel à des modalités traditionnelles de concertation). Pour la plupart des urbanistes, ces expérimentations citoyennes relèvent davantage de l'animation urbaine que d'une facette de la "production de la ville".
3. S'inspirer des principes du vivant : une bio-politique des villes ? de nouveaux matériaux ?
Raphaël Besson voit l'expérience des laboratoires citoyens à Madrid un exemple d'adaptation des principes de la nature aux systèmes d'organisation collective.
Penser la ville au travers de certains paradigmes du vivant, car certains principes de la nature se retrouvent dans les logiques derrières les initiatives des habitants. Quelques exemples :
• "la vie se développe du bas vers le haut" → décentralisation de la fabrique urbaine et processus ascendants ;
• "la vie encourage la diversité en redistribuant l'information" → transmission des savoirs d'experts et informels au sein de ces espaces hybrides, urbanisme "open source"... ;
• "la vie est opportuniste (les êtres vivants naviguent entre plusieurs fonctions) → fabrication d'espaces pluri-fonctionnels ;
• "la vie se crée à partir d'erreurs" → des espaces urbains propices à l'expérimentation, un droit à l'erreur reconnu et assumé par les collectifs.
Toute une série de recherches se développe en architecture, mais pas dans l'urbanisme ou le développement territorial, en application de ces principes. Nous en sommes au début de la conceptualisation d'un modèle de ville bio-inspirée (mettant la nature au centre du paradigme de réflexion), de la même manière que la "ville créative" s'est conceptualisée autour de la figure de l'artiste, et celle de la "smart city" se conforme à une vision d'ingénieur.
Emmanuel Dujardin est ensuite revenu sur les potentiels liés au biomimétisme en architecture, actuellement explorées par le Tangram Lab :
• utiliser les propriétés de la bioluminescence de certains organismes vivants pour produire de la lumière sans consommer d'énergie : une thèse réalisée ayant permis la réalisation d'un objet bioluminescent (utilisation possible pour l'éclairage d'un bâtiment, signalétique)
• générer de la lumière à partir de déchets organiques : une thèse en cours.
• employer d'autres matériaux : brique de terre crue (projet de concours pour le Centre d'excellence du biomimétisme marin à Biarritz), bois (car 1m3 de bois = 400 kg vs. 1m3 de béton = 2,7 tonnes, plus facile à transporter et stockant du Co2), bambou (équipement scolaire réalisé en Birmanie), paille de riz (pour l'isolation thermique), etc...
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4. Des hubs de dé-mobilité
À la fin de la conférence, Bruno Marzloff est revenu sur l'un des corollaire de la "ville des proximités", attendue par les citoyens dans l'enquête réalisée par Chronos avec l'ObSoCo : les mobilités et le besoin de les réduire.
La mobilité reste trop souvent limitée à la question des "transports" : d'autres solutions, comme l'évitement des transports (travail à distance, télé-médecine, télé-administration), la réduction de la portée des déplacements (longue distance → courte distance).
Prenant l'exemple d'une intercommunalité à l'ouest de Paris en grande couronne (Grand Paris Seine et Oise), concernée par l'arrivée d'un grand projet de transport (prolongement d'un RER), celle-ci s'est posée la question : l'inflation structurelle des infrastructures de transport est-elle inévitable ? Cette année, le territoire va expérimenter des "hubs de proximité" (en ville, en périurbain et en campagne), des "points de vie" concentrant :
• des fonctions de transport et d'intermodalité
• des aménités urbaines parties ailleurs, revenant dans le voisinage immédiat de l'habitant
• des fonctions sociales, urbaines (accueil d'associations et d'initiatives locales)
• des fonctions pensées en réseau (car la proximité n'est pas un enfermement)
Il n'y a pas de standard de hub : chacun d'eux va résulter de la demande citoyenne (ceux qui habitent autour et ceux qui y transitent) ; ces espaces étant évolutifs (recueil de l'expérience d'usage de ces lieux).
→ Pour en savoir plus sur l'initiative de Grand Paris Seine et Oise
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→ La facilitation graphique de Nicolas Gros :
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